1919

• 6 janvier
  Jacques Vaché et un camarade de régiment sont retrouvés morts dans une chambre d'hôtel à Nantes, certainement d'une overdose d'opium. ^[1]

• 22 janvier
  Après avoir appris la mort de son ami Vaché, André Breton rédigé à Tristan Tzara : «Je ne savais plus de qui attendre le courage que vous montrez. C'est vers vous que se tournent actuellement tous mes regards.»^[2]

Février

• 5 février
  Breton annonce à Louis Aragon le projet d'une revue mensuelle intitulée "Le Nouveau Monde" avec, hormis eux-mêmes, la collaboration de Philippe Soupault. ^[3]

• 18 février
  À propos de la revue en préparation, Breton rédigé à Tzara : «À une ou deux exceptions près, je pense que tous nos collaborateurs incarnent à un degré quelconque cet esprit nouveau pour lequel nous luttons.»^[4]

• Francis Picabia
  «Tamis du vent»,
  dessin publié dans la revue "391"

• À Berlin, publication du manifeste «Dada contre Weimar» ^[5]

Mars

• 8 mars
  Par l'intermédiaire de Jean Paulhan, Paul Éluard rencontre Breton. ^[6]

• 10 mars
  Après un détour par Zurich où il fait la connaissance de Tzara, Picabia revient à Paris. ^[7]

• 19 mars
  Parution du premier numéro de la revue "Littérature" créée par Aragon, Breton et Soupault qui en assure la grande partie du financement. Le titre a été suggéré par Paul Valéry en référence au dernier vers de «L'Art poétique» de Paul Verlaine : «Et tout le reste est littérature.»
  Au sommaire de ce premier numéro : Aragon, Breton, André Gide, Max Jacob, Paulhan, Pierre Reverdy, Valéry. ^[8]

Avril

• 4 avril
  Lettre de Breton à Tzara : «Tuer l'art est ce qui me paraît le plus urgent.»^[9]

• 15 avril
  Breton achève de copier l'unique exemplaire disponible à la Bibliothèque nationale des «Poésies» de Lautréamont. ^[10]
  Le projet de les publier provoque un début de rupture entre Breton, seul déjà, et les autres surréalistes.
  Breton : «Dans les «Poésies», bien autre chose que le romantisme est en jeu. [... ] il y va de toute la question du langage [... ] le besoin de prouver constamment par l'absurde ne peut être pris pour un signe de déraison.»

• 17 avril
  Breton envoie à Aragon son premier poème-collage «Une maison peu solide». ^[11]

• 28 avril
  Première exposition Dada à Berlin.
  Jefim Golyscheff présente une œuvre plastique avec des jouets d'enfant et un collage dense composé de coupures de presse.
  Raoul Hausmann : «Il apporta des choses qu'on avait jamais vue jusque là : des boîtes de conserve, des petits flacons, des bouts de bois, des peluches, des touffes de cheveux ; un incroyable spectacle optique ; avant cela il n'y avait jamais eu une telle représentation.»^[12]

• 30 avril
  Jefim Golyscheff fait exécuter son «Antisymphonie» par une jeune fille vêtue de blanc jouant des crécelles, Hannah Höch tapant sur des couvercles de casseroles et lui-même au piano. Œuvre en trois partie : a) l'injonction provocante, b) la cavité buccale chaotique, c) le super Fa pliable. ^[13]

Mai

• 1^er mai
  André Breton
  «Corset mystère»,
  poème-collage constitué de phrases découpées dans leurs typogaphies disparates à partir d'une réclame publiée dans un journal. ^[14]

• Publication de l'«Anthologie Dada» à Zurich.

• Démobilisation de Paul Éluard. ^[15]

• À sa demande insistante, on fait une injection de laudanum à Artaud pour «lutter contre des états de douleurs errantes et d'angoisses dont je souffre depuis l'âge de 19 ans.»^[16]

Juin

• 10 Juin
  André Breton
  «Mont de piété»^[17], avec deux dessins d'André Derain,
  poèmes publiés grâce au concours de René Hilsum, fondateur de la librairie et maison d'édition "Au Sans Pareil".
  En remerciement d'un envoi, Paul Valéry répond à Breton : «M. V. ^[18] est étonnamment content de votre volume, qui l'eût dit ?». ^[19]

• Retour d'Aragon à Paris : «J'arrivai au milieu de quelque chose qui n'avait pas plus de visage que de nom.»^[20]

• Breton montre à Aragon le manuscrit des «Champs magnétiques» rédigé avec Soupault.
  Breton : «des phrases de réveil, qui ont le caractère de phrases dictées par on ne sait qui, dont le dormeur n'a pas le sentiment d'être responsable.»

• Publication à Berlin de la revue "Der Dada" dirigée par Raoul Hausmann. ^[21]

• Exposition des premières œuvres «Merz» de Kurt Schwitters à Hanovre. ^[22]

• La revue "Littérature" publie un poème inédit d'Arthur Rimbaud «Les Mains de Jeanne-Marie», témoignage de l'admiration du poète envers la Commune de Paris de 1871.

Juillet

• 1^er juillet
  Breton est reçu à l'examen de médecin auxiliaire. ^[23]

• Retour à Paris de Marcel Duchamp.

• 29 juillet
  Breton rédigé à Tzara : «Si je vous ai envoyé «Mont de piété», c'est seulement qu'il en coûtait à mon orgueil. Vous ne devez pas aimer ce recueil. Rien n'est mieux fait pour m'être agréable que ce que vous dites de "Littérature" comme tentative de démoralisation ascendante.»^[24]

Août

• 10 août
  Publication posthume des «Lettres de guerre» de Jacques Vaché aux éditions "Sans Pareil" :
  «Modernité aussi par conséquent constante et tuée chaque nuit - Nous ignorons MALLARMÉ, sans haine - mais il est mort - Mais nous ne connaissons plus Apollinaire, ni Cocteau - Car - Nous les soupçonnons de rafistoler du romantisme avec du fil téléphonique, et de ne pas savoir les dynamos. LES Astres toujours décrochés ! - c'est ennuyeux - et puis quelquefois ne parlent-ils pas sérieusement !
  Un homme qui croit est curieux.»^[25]
  Breton en signe la préface. ^[26]

• Francis Picabia
  «Pensées sans langage», poèmes :
  «Un courant condensateur désaimante l'étincelle
  un vide identique à la somme des énergies hors d'usage
  une caresse me ramène la voir
  ses mains battent comme un cœur
  sur l'idole grasse aux yeux luisants
  la peau poésie accaparée
  sourit comme un jeune homme
  qui vient d'être présenté
  et discret comme un étalage pauvre.»

Septembre

• 1^er septembre
  Publication dans "Littérature" de «Usine» d'André Breton, première expérience d'écriture automatique.
  Après sa réussite à l'examen, il est affecté au nouveau centre d'aviation d'Orly (act. Essonnes). ^[27]
  Il s'installe à l'Hôtel des Grands Hommes, près du Panthéon (Paris, 5e arrdt). Débute une relation amoureuse avec Georgina Dubreuil qui lui inspirera les poèmes «Lune de miel»^[28] et «Magie quotidienne»^[29]

• La "NRF" (Nouvelle Revue Française) publie un texte anonyme contre Tzara : «Il est fâcheux que Paris semble faire accueil à des sornettes de cette espèce qui nous reviennent directement de Berlin».
  Les surréalistes réagissent contre l'insulte «tendant au moyen de ragots empruntés à la presse allemande à renouveler contre nos amis du mouvement Dada la manœuvre inqualifiable que le cubisme^[30]a mis dix ans à déjouer.»
  Jean Cocteau parlera de «rappel à l'ordre». ^[31]

• 5 septembre
  Breton envoie la coupure de la "NRF" à Tzara. Il ajoute : «Ma lassitude littéraire est toujours aussi grande, je ne puis guère souffrir les propos de cet ordre. L'optimisme incurable d'Aragon m'était devenu ces derniers temps insupportable (et j'aime trop Aragon pour le lui avouer).»^[32]

• 20 septembre
  André Breton et Georgina Dubreuil partent quelques jours en Bretagne. Dans la chapelle de Roscrudon, Breton souffle des cierges : «De quoi vais-je bien pouvoir payer ce geste !»^[33]

• Les surréalistes prennent l'habitude quotidienne de se retrouver en fin de journée au bar "Le Certa", passage de l'Opéra. ^[34]

Octobre

• 1^er octobre
  S'inspirant de la réponse de Tzara, Breton, dans "Littérature", propose de répondre à l'enquête : «Pourquoi écrivez-vous ?»^[35]

• 7 octobre
  Réponse de Tzara à Jacques Rivière, directeur de la "NRF" : «Si on rédigé, ce n'est qu'un refuge : de tout point de vue. Je n'écris pas par métier. Je serais devenu un aventurier à grande allure ainsi qu'aux gestes fins si j'avais eu la force physique et la résistance nerveuse pour réaliser ce seul exploit : ne pas m'ennuyer.»^[36]

• "Littérature" publie des fragments des «Champs magnétiques» d'André Breton et Philippe Soupault. ^[37]

• «Glace sans tain»,
  poème-écriture automatique collectif et volontairement anonyme :
  «À quoi bon ces grands enthousiasmes fragiles, ces sauts de joie desséchés ? Nous ne savons plus rien que les astres morts.»

• Louis Aragon
  «Quelle âme divine»,
  roman de cinq pages, rédigé à l'âge de 6 ans. ^[38]

• À cause d'un article d'Éluard intitulé «Matinée de Paul-Claude L» qu'elle juge irrespectueux envers Paul Claudel, Adrienne Monnier refuse de continuer à diffuser "Littérature". ^[39]

Novembre

• 1^er novembre
  Quatre "tableaux-machines" de Francis Picabia sont accrochés sous un escalier au Salon d'automne.

• 8 novembre
  Lettre de Breton à Tzara : «Vous savez que vos lettres sont ce qui m'arrive de meilleur. Je ne puis croire que vous êtes aussi bas que moi. "Littérature" m'ennuie énormément. J'aimerais pouvoir annoncer prochainement qu'elle fusionne avec Dada.»^[40]

Décembre

• 5 décembre
  «Un acte nécessaire», protestation contre l'arrestation de Filippo Tommaso Marinetti rédigé par Breton, Soupault et Giuseppe Ungaretti, publié dans le quotidien "L'Intransigeant". ^[41]

• À Berlin, parution du premier numéro de la revue "Der Blutige Ernst" (Terriblement sérieux) créée par George Grosz et Carl Einstein. ^[42]

• Louis Aragon
  «Feu de joie»,
  recueil de poèmes édité au "Sans Pareil" avec un frontispice de Picasso. ^[43]

Cette année-là

• Rencontre Aragon / Picasso.

• En regardant une toile du Titien «L'Amour sacré et l'amour profane», Giorgio De Chirico a la révélation de la peinture ancienne.

• Max Ernst découvre des tableaux de De Chirico reproduits dans une revue et débute ses collages surréalistes.
  Il est exclu du groupe d'artistes de la "Jeune Rhénanie" pour «anarchisme provocant».
  Il tente d'éditer une publication communisante vite interdite par les autorités françaises d'occupation.
  Il rend visite à Paul Klee. ^[44]

Œuvres

• Paul Citrœn
  «Metropolis», première version, collage^[45]

• Marcel Duchamp
  «Air de Paris»,
  ampoule de verre^[46]

• Max Ernst
  «Aquis submersus», huile sur toile^[47]
  «Fruit d'une longue expérience», assemblage de bois peint^[48]
  «La Main droite de la centrale Dada», objet^[49]

• George Grosz
  «Le Coupable reste inconnu», dessin et collage^[50]

• Raoul Hausmann
  «Tête mécanique dite l'esprit de notre temps»,
  objets divers vissés sur une marotte^[51]

• Hannah Höch
  «Coupé au couteau de cuisine (Schnitt mit dem Küchenmesser) », collage^[52]

• Marcel Janco
  «Portrait de Tzara», masque^[53]

• Francis Picabia
  «Danse de Saint-Guy (Tabac Rat) »^[54]

• Man Ray
  «L'Énigme d'Isidore Ducasse», photo d'un objet enveloppé d'une couverture, le tout ligoté^[55]
  «L'Orchestre admirant le cinématographe», peinture à l'aérographe^[56]

• Rudolf Schlichter
  «Überfall im Bordell», huile sur toile^[57]

• Sophie Tæuber
  «Composition verticale-horizontale à éléments d'objets», huile sur toile^[58]
  «Tête Dada», sculpture^[59]

• Tristan Tzara
  «Bilan»^[60]

Notes et références

• Pour les références bibliographiques complètes, voir l'article principal Chronologie de Dada et du surréalisme